Syndrome aérotoxique : Mythe ou réalité?

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Le 29 octobre 2024 Par Richard DesRochers
Depuis plusieurs années, des membres d’équipage et des passagers signalent des symptômes liés à l’exposition à des odeurs inhabituelles ou à des fumées à bord des avions. Ces symptômes sont regroupés sous le terme « syndrome aérotoxique », mais ce phénomène est-il réel ou simplement une coïncidence ? Explorons les preuves scientifiques et les recommandations actuelles pour mieux comprendre.

Qu’est-ce que le syndrome aérotoxique ?

Le syndrome aérotoxique fait référence à un ensemble de symptômes signalés par des personnels navigants après avoir été exposés à des émanations de fumée ou à des odeurs inhabituelles à bord des avions. Les symptômes incluent des irritations des yeux (signalées dans environ 30 % des cas), des problèmes respiratoires (42 %), des maux de tête (25 %), des nausées et parfois même des troubles neurologiques tels que des vertiges ou des pertes de concentration (15 % des cas). Ces incidents sont souvent regroupés sous le terme « fume events», liés à des fuites de l’air contaminé provenant du système de ventilation de l’avion.

La source de la contamination : huile moteur et bleed air

Dans la majorité des avions modernes, l’air de la cabine provient du système de ventilation appelé « bleed air», où l’air est prélevé des compresseurs des moteurs avant d’être envoyé dans la cabine. En cas de fuite, des composants de l’huile à moteur ou des fluides hydrauliques peuvent entrer dans cet air, libérant des polluants comme les organophosphorés, des composés semi-volatils, ou encore des particules ultrafines. Un rapport récent de l’ANSES en 2023 a confirmé que des événements appelés « fume events» ont impliqué 112 membres d’équipage entre 2000 et 2021, dont 92,9 % ont signalé des symptômes physiques suite à ces incidents.

Les preuves scientifiques : une réalité encore floue

Bien que de nombreux témoignages existent, les preuves scientifiques pour démontrer l’existence d’un véritable syndrome aérotoxique restent limitées. Selon l’ANSES, il y a un manque de preuves épidémiologiques solides pour établir un lien direct entre les fume events et les effets sur la santé à long terme.
 
En ce qui concerne les polluants mesurés dans l’air des cabines :
 
Ozone (O3) : Des concentrations allant de 0 à 275 ppb ont été mesurées, avec des niveaux élevés principalement dans les vols à haute altitude.
  • Monoxyde de carbone (CO) : Les niveaux mesurés varient de < LOD à 9,4 ppm dans les vols étudiés.
  • Particules ultrafines (PUF) : Les études montrent des concentrations maximales de 3 x 10^5 particules/cm³ dans certains vols, notamment lors des turbulences ou de la traversée de nuages.
Certaines études suggèrent un lien potentiel entre ces polluants chimiques et des symptômes neurologiques ou respiratoires. Cependant, une corrélation directe entre les concentrations mesurées et les effets sur la santé n’a pas pu être clairement établie, car les données actuelles ne sont pas assez représentatives des conditions réelles.

Comment se protéger ?

Face à l’incertitude autour du syndrome aérotoxique, il est essentiel de prendre des mesures de précaution. Pour les travailleurs navigants, voici quelques recommandations :
  • Suivi médical régulier : Les membres d’équipage devraient bénéficier de bilans de santé spécifiques, notamment pour surveiller les symptômes respiratoires et neurologiques.
  • Formation à la gestion des incidents : Les équipages devraient être formés à réagir rapidement lors de fume events, notamment en activant les systèmes de ventilation d’urgence et en rapportant l’incident selon des protocoles précis.
  • Amélioration des systèmes de filtration : Des études montrent que les filtres HEPA ne capturent pas tous les types de polluants (en particulier les particules ultrafines), ce qui suggère la nécessité d’améliorer ces systèmes pour une meilleure protection.
Pour les passagers, bien que les risques restent faibles, il est toujours conseillé de rester vigilant. Si vous ressentez des symptômes après un vol, consultez rapidement un médecin et signalez l’incident à la compagnie aérienne.

À retenir...

Le syndrome aérotoxique est une question encore controversée dans l’industrie aéronautique. Les preuves actuelles indiquent que les incidents de fumée ou d’odeurs en cabine sont bien réels, mais les effets sanitaires à long terme restent difficiles à prouver avec les données disponibles. Toutefois, des efforts doivent être poursuivis pour améliorer les systèmes de ventilation des avions et offrir une meilleure surveillance médicale aux personnels navigants afin d’assurer un environnement plus sûr pour tous.
 
Que ce soit pour les travailleurs du ciel ou les voyageurs fréquents, la transparence et l’innovation en matière de qualité de l’air en cabine sont essentielles pour garantir des vols plus sûrs et un environnement sain.
 
Références
  • ANSES (2023) —Rapport sur la qualité de l’air dans les cabines d’avion et les effets potentiels sur la santé des équipages et des passagers.
  • Organisation mondiale de la santé (OMS) — Études sur l’impact des polluants aériens sur la santé respiratoire et neurologique.
  • FAA (Federal Aviation Administration) — Guide sur la gestion des incidents de fumée en vol et les risques associés.
  • EASA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) - Réglementations sur la qualité de l’air à bord des avions.
  • ANSES (2023) —Données spécifiques sur les incidents de « fume events » rapportés en France entre 2000 et 2021

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